Je longe à vélo au quotidien des kilomètres de paysages, dont ces haies le long de l’Ill, non loin du Musée d’art moderne de Strasbourg.
Un bout de haie,
un bout de ciel bleu,
un nuage : l’image renvoie une image de silence.
Et pourtant, en longeant cette haie, on entend derrière elle des cliquetis de grue, des ronronnements de bétonnières : les sons d’un chantier de construction.
Il se construit derrière cette haie un immeuble. La haie bientôt ne jouxtera plus un terrain vide mais un immeuble qui contiendra de la vie.
En longeant la haie, j’ai pris conscience que je devais vite me remplir de cette image de ciel que j’aperçois encore. Bientôt le ciel ne sera plus visible : des murs et des fenêtres l’auront remplacé.
Je n’ai pas aimé me projeter dans ce futur. J’aime le silence que recèle cette haie.
Je me suis dis : « Remplis bien ton regard de ce ciel encore visible car plus jamais tu ne le verras ainsi d’ici ». Il est presque sûr que de mon vivant, l’immeuble en naissance restera là.
Je me suis demandé combien de décennies il faudra, combien de siècles, pour qu’un piéton ou un cycliste passant par là voie à nouveau une échancrure de ciel.
Peut-être que JAMAIS on ne reverra le ciel de cet endroit. Cet adverbe me fit horreur mais je dus bien me résigner à cette évidence : le vide ne reviendra plus en cet endroit. Il faudrait un tremblement de terre. Car l’homme ne rendra plus jamais vide cet espace rempli par lui et ses congénères.
Ainsi cheminent les pensées lorsqu’on pédale
et qu’on pense
ne penser
à rien.