« Les violettes fleurissent ! » La nouvelle circulait à toute vitesse dans le village et avivait nos cœurs d’enfant. Toutes affaires cessantes, nous courrions à perdre haleine dans les prés pour dénicher ces fleurs sur les prairies qui menaient au Hasewaldela (« le petit bois aux lièvres »), situé vers Gottenhouse.
Nous aimions aussi cueillir les primevères, mais la violette, blottie là, petit trésor humble au parfum si délicat, avait notre préférence. Nous les appelions Vejelettle. Maman les nommait aussi Märzevejele (ce qui veut dire: les petits oiseaux de mars). Les Allemands la nomment Veilchen.
Toutes les violettes ne sont pas parfumées : seules le sont les violettes dites « odorantes ».
La violette odorante développe un parfum subtil. Les fleurs sont généralement d’un violet foncé mais on peut aussi en trouver des mauves, des roses et même des blanches comme celles de la photo que j’ai découvertes cette année sous mon cerisier. La violette odorante se distingue facilement de la plupart des autres violettes grâce à l’odeur suave et pénétrante de ses fleurs.
Tout est beau en cette petite plante vivace : ses feuilles ovales, en forme de cœur à la base, munies d’un long pétiole et ses fleurs, au bout d’une mince tige, formées de cinq pétales, dont deux pétales dressés et trois pétales tournés vers le bas et dont l’inférieur est muni d’un éperon.
Il existe de nombreuses espèces de violettes dont la violette des bois, la violette des collines ou la violette remarquable. Elles sont toutes comestibles mais, généralement, seule la violette odorante est parfumée.
Les feuilles et les fleurs de violette sont très riches en vitamines A et C. Elles renferment également des sels minéraux. Les fleurs décorent les assiettes, s’ajoutent aux salades, donnent une exquise confiture et permettent aussi de faire une excellente liqueur. Confites dans le sucre ou cristallisées, elles décorent les desserts et les gâteaux. Pensez à les associer aux entremets – flan, riz au lait, crème anglaise – sans toutefois les laisser bouillir longuement pour préserver leur arôme exquis. Leurs feuilles sont excellentes, et comme elles restent tendres, elles peuvent être consommées durant toute la durée de vie de la plante. Leur saveur fine est appréciée crue, comme légume ou en purée. Elles épaississent aussi les soupes, un peu à la manière du tapioca car elles contiennent du mucilage, et à ce titre, sont encore préparées par les Noirs dans le sud des Etats-Unis.
On peut consommer sans modération ces gracieuses fleurs messagères du printemps.
Encore faut-il le courage de priver la nature de leur beauté.
Des recettes avec des violettes sont contenues dans le livre que j’ai co-écrit avec Hubert Maetz : La cuisine naturelle des plantes d’Alsace (La Nuée Bleue).