J’ai entendu un frôlement sur les vitres de ma cuisine et j’ai vu qu’un papillon y tournoyait.
Comment est-il arrivé là en ce début novembre alors que je n’ai pas ouvert les fenêtres ?
Il semblait se plaire ici. Il ouvrait ses ailes et me permettait ainsi de voir l’exceptionnelle beauté de ses couleurs.
C’est un paon-du-jour. Sa couleur vermeil est des plus bouleversantes.
Ce qui fait le plus de bien au regard, ce sont ses ocelles bleu-noir, ces ronds qui ressemblent à des yeux et qui rappellent les cercles qui habillent les plumes du paon.
Le bleu de ses ailes est appelé en anglais pea-cock blue (ce « bleu paon » qui correspond en français au « bleu canard »).
C’est pour cette ressemblance avec le paon que ce papillon porte ce nom.
Les Allemands nomment ce papillon Pfauenauge, ce qui signifie « oeil du paon ».
En revenant le soir dans ma maison, j’ai vu que le papillon n’était plus sur la vitre.
Il s’était installé dans la lampe en porcelaine de ma cuisine.
Au moment où je l’ai allumée, il s’est mis à danser, à virevolter dans la lumière de la lampe, me donnant un spectacle joyeux. Il s’est immobilisé durant quelques secondes, le temps que je réalise cette photo.
Le lendemain matin il était à nouveau posé sur la vitre de la fenêtre, avec les ailes fermées (elles sont alors simplement noires).
C’est un cadeau lorsqu’il ouvre ses ailes et fait apparaître ses couleurs.
J’ai vu qu’un autre papillon paon-du-jour s’est installé à la cave.
Ces papillons aiment passer l’hiver dans les greniers, les trous et les caves.
Au printemps, ils pourront à nouveau se poser sur les orties qu’ils adorent et sur lesquelles ils pondent leurs milliers d’oeufs, ou sur les chardons qui leur plaisent aussi.
Comment nommez-vous le papillon en alsacien ?
Plusieurs dénominations existent dans notre langue. Il y a le mot allemand Schmetterling utilisé également en alsacien. Le mot Schmette vient de Bohème, il est en famille avec le mot Schmant (qui désigne la crème fraîche). Il arrive d’ailleurs que l’on nomme le papillon Rahmdieb (voleur de crème) car les papillons aiment le lait.
Cette idée de « voleur de lait » est à rapprocher de la croyance populaire selon laquelle les elfes et les sorcières volent la crème ou le beurre en prenant l’aspect de papillons.
Ma maman nommait le papillon Flichholder, qui est en fait une déformation de Pfiffholder, un terme du Moyen-Age qui s’écrivait aussi Pfeiffholter.
Certains désignent le papillon par le mot Summervoëjele (petit oiseau de l’été), ou Müeller (le meunier, en raison de la poudre farineuse accrochée aux ailes). On le nomme aussi Millermaler dans le Sundgau. Le mot Miller pourrait désigner le meunier mais peut aussi désigner le lait et rappellerait à nouveau l’attirance des papillons pour le lait.
Enfin on appelle aussi le papillon Falter, qui désigne plutôt le papillon de nuit.
Ces mots montrent combien la langue alsacienne est riche, souvent bien plus que la langue française. C’est pour cela qu’il importe de la protéger, de se battre pour elle, de ne pas permettre aux esprits jacobins qui dirigent la France de niveler notre culture et de raboter notre part alémanique qui fait notre beauté.