Tomi Ungerer : les photos inédites de Christophe Huber

J’aime lorsque la vie tricote ses mailles de rencontres inattendues.

Après la publication sur mon site de ma Lettre à Tomi Ungerer, j’eus la surpise de recevoir une photo inédite de Tomi Ungerer que m’envoyait Christophe Huber.

Ce journaliste rédacteur pour Arte, coordinateur pour les reportages européens Arte Regards, précisait qu’il avait eu l’occasion de faire des photos de Tomi, prises sur le vif lors du tournage de l’émission Metropolis, le magazine culturel d’Arte. C’était en 2013. Tomi avait 82 ans.

De passion je suis photographe et cette passion m’accompagne parfois jusque dans mon travail. J’utilise toujours de la pellicule. L’argentique est au centre de mes prises de vues, précise Christophe, ajoutant : La vie ne s’inscrit jamais en numérique. Toujours sur du film. Comme le grand cinéma. J’ai besoin de cette matière pour y écrire mes souvenirs.

L’interview s’est déroulée en Suisse, à Zurich, chez Diogenes, l’éditeur de Tomi. Christophe a réalisé ces photos avec son vieux Rolleiflex. Je l’imagine se faire le plus discret possible, se contorsionner, guetter et trouver la meilleure fraction de seconde pour appuyer sur le déclencheur et rapporter ces photos en noir et blanc, belles et touchantes.

C’était un jour pluvieux, le 23 octobre 2013, entre 10h20 et 11h30.

Christophe Huber ajoute : Ce fut une journée émouvante. Je n’ai jamais édité ni montré ces photos de Tomi. Tu seras la première à les révéler.

Je le remercie de sa confiance. Elle me permet de vous donner à voir ces 6 photos faites ce jour-là avec les commentaires de leur auteur.

 

L’interview semblait éprouvante.
Pas facile.
Tomi était fatigué et Aria, sa fille, me disait que les prises de vue devaient être rapides.
Gros stress pour moi.
Comment immortaliser Tomi ?
Rendez-vous en fin de matinée chez Diogenes son éditeur.
Tomi fumait pas mal. Durant toute l’interview.

 

Tomi passionné.
Et moi planqué derrière une pile de bouquins pour enfin trouver L’angle de l’artiste.
L’homme dessinateur.
Satirique satire du monde.
Tomi est une pile de livres.
Tomi dans le bain de son éditeur. Les Brigands toujours en ligne de mire.
Tomi émergeant des livres …. libre comme ses pensées, Die Gedanken sind frei, Il devenait l’homme-livres..

 

L’interview était rythmée, passionnée. Tomi nous livrait son enfance ..

Il était en forme. Raconter sa vie reste un moment d’exploration de ses souvenirs, de soi.

L’homme-livres s’était construit durant cette séance.

Je me suis dit que Tomi était la somme d’une histoire qui nous était destinée.

 

Tomi et son corps de livres …Tomi comme la mémoire nécessaire des Alsaciens et des juifs d’Alsace … la tour de Pise des livres n’est pas bancale. C’est l’histoire aujourd’hui.

 

Pause petit dej.
Pause pour reprendre des forces.
Tomi était fatigué. Oui. Aria avait raison.
Mais il avait la niaque à l’orée de ses 82 piges.
Il avait même pris le temps de dédicacer des ouvrages pour mes filles.
Tomi…comme mon grand-père…parlait de ces années qui nous dépassent.
L’oreille en coin, chaque mot est une pièce d’or pour ma mémoire.

 

Pause cigarette

 

Fin d’interview.

Le regard sincère de Tomi m’a bouleversé.
Il fallait choper ce regard avant qu’il ne disparaisse.
Ce regard. Cinq secondes de détente après avoir livré son histoire.
Se livrer n’est pas gratuit.
C’est se décharger de l’histoire. De son histoire et de celle de ses contemporains.
Tomi parmi d’autres, enfant de l’Alsace occupée… comme les chiottes…aime t’il dire.
J’ai eu beaucoup de chance de connaître Tomi.
Et chaque jour j’aime être ce rebelle clairvoyant et critique…Tomi m’a appris.
Et ma pellicule restera empreinte de son existence.

 

Photos et textes Christophe Huber © Tous droits réservés

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