Lorsque ta maison commence à revivre, que les volets s’ouvrent, je vois arriver au bout de quelques minutes les chats du voisinage. Ils passent doucement devant les fenêtres de la cuisine, regardent d’un air entendu, visiblement satisfaits de te savoir revenue.
Je voudrais alors leur apporter un démenti, les informer rapidement qu’ils se trompent, que tu n’es pas là et que je ne saurais te remplacer. Tu leur parlais, tu leur donnais un reste de purée, une rondelle de saucisse. Entre eux et toi s’était instaurée une relation que je ne connais pas.
Lorsque j’ai bêché le jardin, j’ai vu sautiller tout près de moi un rouge-gorge, j’ai eu un coup au coeur, car souvent tu me parlais du rouge-gorge qui restait près de toi pendant que tu jardinais. Il guettait les vers que tu libérais en retournant la terre. Tu me disais qu’il venait tout près de toi.
J’étais touchée de le voir à mon tour, un peu gênée de n’être pas toi, voulant presque m’excuser de n’être pas toi et de ne pas pouvoir prolonger ce lien d’habitudes. Je me suis sentie très petite devant cet oiseau qui t’avait connue et qui pensait te retrouver.
Plus tard dans l’après-midi, lorsque j’ai mis les légumes en cave, j’y ai entendu un bruit étrange. J’ai vu le crapaud tout foncé dont tu m’avais souvent parlé. Sie labt nimm, mini Mama labt nimm, lui ai-je dit. “Elle ne vit plus, ma Maman ne vit plus”.
Comme tout cela sonne étrange.
Tu as disparu et ces petits animaux qui furent tes compagnons du quotidien te survivent.
Et j’affronte leur regard avec un rien de gêne et beaucoup d’émotion.
Extrait de mon livre Au jardin de ma mère (La Nuée Bleue)