J’aime les pensées, des fleurs annuelles, peu exigentes, que l’on plante à l’automne, qui résistent au froid, à la neige et qui au printemps repartent de plus belle avant de s’étioler pour laisser la place aux géraniums, dipladénias ou autre fleurs de balcons.
Elles portent en alsacien le mot de Stiefmietterle , c’est-à-dire « petite mère adoptive ».
Maman les nommait aussi Dreifàltigkeitsblüeme, c’est- à-dire fleur de la trinité, sans doute pour les trois pétales qui la composent.
Les Anglais s’alignent aussi sur cette dénomination en nommant les pensées trinity herb.
La pensée sauvage est utilisée en pharmacopée pour divers bienfaits (toux, urée, problèmes dermatologiques notamment).
Si j’aime tant cette fleur, c’est simplement parce que Maman l’aimait, qu’elle la semait pour avoir ses propres replants chaque année.
Voici un court texte qui évoque Maman et les pensées extrait de mon livre « Au jardin de ma mère, chronique d’un deuil » (Editions La Nuée Bleue).
Des graines dans ton sac
Je prends mon courage à deux mains pour ouvrir ton sac à main.
La petite poche intérieure contient un mouchoir en batiste entouré d’une dentelle dite de « frivolité », que tu réalisais à la main, si vite, à l’aide d’une navette.
Mes doigts sentent au fond de la petite poche une autre texture, sèche et légèrement grésillante. C’est de la semence de pensées, que tu as prélevée, dans un jardin sans doute ou dans un cimetière.
Depuis quand ces graines sont-elles dans ton sac ?
Je ne sais.
Je suis bouleversée.
Je frémis en me disant que ces petites choses couleur caramel, si inertes d’apparence, contiennent peut-être encore la vie, vingt mois après ta mort.
J’ai appuyé sur la rondeur. Des graines en sont tombées.
Je les ai semées. J’ai guetté. Elles ont éclos.
Elles fleurissent et frémissent maintenant au vent léger, en bleu et en jaune.
Ton sac silencieux recelait la vie.
Je ne m’ attendais à rien.
Et je ris.
Et je sanglote.
De joie retenue.