Je t’aime pour m’avoir appris à aimer
les asters qui s’ébouriffent sous juin,
les vers de terre qui s’extirpent
allègres de la terre détrempée,
le bec jaune du merle
qui picore la pomme gelée de décembre.
Je t’aime pour m’avoir donné
le goût de la terre,
l’amour du sureau en fleurs,
et du cerfeuil dentelé.
Je t’aime pour les agneaux biscuités de Pâques
et les étoiles à la cannelle de Noël.
pour les oiseaux argentés
que tu pinçais dans le sapin,
pour les vases de fleurs que tu alignais
sur le rebord des fenêtres à Fête-Dieu.
Je t’aime pour ton honnêteté,
ton entêtement à tordre le destin,
à garder la tête droite
en dépit de l’ adversité.
Je t’aime pour tes mains
qui travaillaient comme trois paires
et qui restaient fines comme ta ligne de vie.
Je t’aime pour l’espérance qui te portait
et qui me porte à mon tour,
pour ton aptitude à rudoyer le malheur,
à juger les mécréants,
à faire fi de leur méchanceté
en regardant vers le ciel,
en avançant en ligne droite
vers le bout du sillon
avec ta foi inébranlable
portée comme un sceptre.
Je t’aime pour ce que tu fus :
un exemple de vie
une image de vie
si vivante
si forte
que la terre porte ton parfum.
Extrait de mon livre « Au jardin de ma mère » (La Nuée Bleue)