René-Nicolas Ehni est mort le 18 juin 2022 à l’âge de 88 ans.
Je l’ai rencontré lorsqu’il débarqua à la radio, place de Bordeaux, à Strasbourg en 1981. Avec cette figure explosive du Saint-Germain-des-Prés des années 70, c’est un vent de folie et une incroyable joyeuseté qui tourbillonnèrent à la Maison de la Radio. J’avais alors seulement lu deux livres de cet auteur de nombreux romans et de pièces de théâtre : « L’amie rose » et « La raison lunatique », co-écrit avec son ami Louis Schittly. Ces deux pourfendeurs sundgauviens, salvateurs empêcheurs de tourner en rond, qui militaient notamment contre le canal à grand gabarit et contre Monseigneur Elchinger, furent les invités de Bernard Pivot pour l’émission Apostrophes. Ils mirent un joyeux souk sur le plateau.
L’énergie joyeuse que charriait René-Nicolas Ehni à la radio en 1981 était une manne pour nous. Il avait une chronique quotidienne diffusée du lundi au vendredi sur Alsace-Matin, la radio régionale qui se trouvait encore place de Bordeaux, avec la télévision, et qui n’avait pas encore été intégrée au groupe Radio France. Il avait intitulé sa chronique « Le socialisme rend fou ». En elle, il plaçait tout ce qui lui tenait à coeur et qu’il mêlait parfois dans un délire caustique, amusant, pourfendeur en diable : réflexions sur la vie, la littérature, le Sundgau, sur la Vierge Marie, d’Maddergottes, souvent présente dans ses chroniques. Il était alors déjà investi d’une foi profonde et faisait le signe de croix à chaque crucifix, à chaque calvaire croisé. Ses chroniques provoquaient des remous : ce ton libertaire, très cru, n’était pas courant à la radio. « Y a longtemps que je serais viré si le directeur (Jean-Jacques Célerier) n’était le mari de ma cousine », disait-il.
René-Nicolas est parti en Crète peu de temps après, après la mort de sa mère, avec Myriam qui lui donna deux beaux enfants : Catherine et Iannis. Je ne le voyais que rarement lorsqu’il repassait par l’Alsace. Lorsqu’il m’apercevait, il m’accueillait toujours avec la même phrase : « Ja salü Maïdel, wie geht’s dir ? » (Mais salut fillette, comment vas-tu ?).
Il passa par l’Alsace en novembre 1994 lorsque parut son livre « Vert-de-gris » à La Nuée Bleue et il fut mon invité pour l’émission Zuckersiess diffusée en janvier 1995. Il choisit un biscuit au moka, un gâteau de communion (« e Vorgehküecha« ) qui lui laissait des souvenirs intenses. L’émission permit de feuilleter son album photos et d’y découvrir des facettes inattendues : lui étudiant en art dramatique, puis embarqué dans la guerre d’Algérie, devenu au retour assistant de cinéma avant qu’il éclate avec la pièce « L’amie Rose » qui étalera son visage de jeune premier, (à la Francis Huster, mais en plus beau, disait-il en riant de lui), dans les magazines.
Vous verrez après des photos extraites de l’émission de janvier 1995.
Pour visionner l’émission sur INA.fr, cliquez sur ce lien
Photos extraites de l’émission Sür un siess diffusée sur France 3 Alsace en janvier 1995 (réalisation Michel Broggi)
Merci à Ina.fr
Certains des souvenirs narrés ici sont évoqués dans mon livre « Ces années-là, mes souvenirs radio-télé « (La Nuée Bleue)