Un dimanche près du Hartmannswillerkopf

En automne 2018, je me suis rendue au Hartmannswillerkopf. L’été avait été si chaud et pourtant les feuilles prenaient tardivement leurs couleurs d’automne.

Le vignoble et les Vosges se couvraient d’or mais, vers la fin octobre, ne s’embrasaient pas encore.

Routes des crêtes, photo prise non loin de Goldbach-Altenbach © Simone Morgenthaler

Cet été indien doux, chaud avec des températures estivales, faisait sortir le promeneur. Ils étaient nombreux au Hartmannswillerkopf, lieu qui, hiver comme été, attire les visiteurs venus se recueillir sur ce lieu.

C’est un haut promontoire, magnifique observatoire de la plaine d’Alsace, qui permet une vue sur l’Allemagne,le Territoire de Belfort, la Lorraine et les Vosges. Le panorama est beau : Molkenrain, Riesenkopf, Freundstein, Grand Ballon, Sudelkopf, ou vers ce qui furent les lignes allemandes : le Sudel et le Thierenbachkopf, le Hartfelsen dont le sommet était français et le versant qui, vers la grande plaine, est allemand.

D’ici on voit les Alpes Bernoises par beau temps.

Cette montagne, longée par la route des Crêtes (d’Kàmmstròss en alsacien)), était avant la Grande Guerre reconnue comme un lieu vibratoire, à l’instar du Mont Sainte Odile ou du Taennchel, et les druides le considéraient comme un lieu sacré.

Durant la Grande Guerre on nomma aussi ce lieu « Vieil Armand », présent aujourd’hui encore sur les panneaux indicateurs.

Notez que ce terme de « Vieil Armand » fut inventé par les journalistes « de l’intérieur » incapables de prononcer le nom à rallonge de Hartmannswillerkopf et qui se simplifièrent ainsi la vie, en oubliant qu’en débaptisant un lieu on lui ôte aussi une partie de son âme.

En ce dimanche si beau et si doux, je me suis arrêtée quelques kilomètres plus loin, vers Goldbach-Altenbach pour faire cette photo, avec cette vue imprenable sur les sommets vosgiens.

Et j’ai repensé au Hartmannswillerkopf, ce terrain de guerre où sur un petit espace, 30.000 hommes furent tués en 1915 sur un site de 6 kilomètres carrés comportant 90 km de tranchées.

L’Alsace faisait alors partie de l’Allemagne.

A peine 22 mètres séparaient les lignes françaises des allemandes. Les deux parties s’acharnaient à gagner du terrain.

L’humanité trinqua dans cette grande boucherie, livrant ses hommes pour une guerre que « personne » n’avait pas voulu.

Durant la guerre des tranchées qui se joua au Hartmannswillerkopf, il ne restait plus un seul arbre, les hivers étaient rigoureux et on se demande comment ces hommes résistaient par – 25°.

Autrefois, avant la boucherie poussaient là des sapins centenaires et des essences nobles. Depuis les combats, avec le déluge d’acier qui s’abattit là, il ne pousse plus que des espèces moindres.

On ne dira jamais assez les horreurs de la guerre. Il importe d’y rendre le public sensible pour éviter que cela ne se reproduise.

On fêtait en 2018 les 100 ans de la fin de première guerre. On s’était juré en 1918 que plus jamais cela se reproduirait.

Il se passa 21 ans avant qu’entra en piste un nouveau conflit dont personne n’avait voulu.

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