Le cerisier est en floraison. Cela vient toujours si vite. Trop vite.
Comme si le cœur et le regard n’avaient pas eu le temps de se préparer à cette onde bouleversante.
Chaque année, il me semble en revivre l’émotion pour la première fois.
L’arbre fleuri envoie des bouquets de baisers au ciel.
Le cerisier ressemble à une mariée qui attend la venue des abeilles pour des noces vaporeuses qui font virevolter le pollen. Mais les abeilles sont peu nombreuses cette année : avec la fraîcheur elles restent dans leurs ruches. La masse de fleurs ne signifie pas que les cerises seront tout aussi nombreuses. Sans la fructification assurée par les insectes, l’arbre de donnera pas de fruits. Depuis deux jours je vois bien un bourdon qui s’active. Un seul bourdon me donnera t’il une belle moisson de cerises en juin-juillet ?
La floraison est courte.
On aimerait arrêter le temps, se rendre pleinement conscient à l’instant pour vivre ce moment, se souvenir de la délicatesse du parfum des cerisiers en fleurs.
Demain, peut-être, le vent disséminera les pétales et les fera virevolter en neige. Le charme sera rompu.
Le fruit fécondé, s’il le sera, s’entourera de discrétion.
Les cerises prendront forme, petites têtes d’épingles vertes d’abord, que mai fera grossir et juin rosir.
Et que le gel pourra malmener à tout instant jusqu’à ratiboiser la récolte future.
Déjà je me projette. Je me vois dans l’arbre, sur l’échelle, à sentir l’été dans le mouvement des feuilles, dans le chant de l’alouette, avec le regard aimanté au brillant du fruit.