Lorsque Maman est morte, c’était en septembre. Le potager croulait sous les légumes. Et en octobre, les tomates étaient encore en verve.
Voici un extrait de mon livre Au jardin de ma mère (La Nuée Bleue), avec des poèmes de ma soeur, Denise Monnery-Morgenthaler.
Tomates en verve
Tes tomates mûrissent au coeur d’octobre dans un forte éblouissant, avec une insolence qui me heurte et m’hypnotise en même temps. Elles sont issues d’une variété oblongue, presque en forme de poire, charnues, d’un rouge rosacé.
C’est la première fois que tu essayais cette variété.
Je me souviens précisément de l’instant où tu as choisi tes plants au printemps chez l’horticulteur.
Tu étais alors animée d’une exubérance de jeune fille. Le printemps t’allait bien . Il te gonflait de joie.
Debout au milieu de ton potager, je sens la force qui anime tes plates-bandes, la vie qui continue à les habiter alors que tu n’es plus.
J’entends ta voix en moi et, même si je ne peux plus toucher ton avant-bras ou regarder ta nuque en rêvant, je n’ai pas envie de pleurer.
Parce que je te sens en moi, chaude et douce.
Tu as dû te faire toute petite pour entrer en moi, petite comme une enfant, petite comme une pomme lumineuse.
Je suis habitée par toi, Maman.
Et j’aimerais courir à la rencontre du vent pour lui crier ma joie toute neuve.